Six ans de diplôme
Ca y est, cela fait un peu plus de six ans que je suis infirmière diplômée. Six ans que j'ai obtenu le précieux sésame et que je bosse dans la même clinique. J'ai eu des hauts et des bas, j'ai fait chacun des services de ma petite structure depuis la chirurgie jusqu'á la pseudo-réa en passant par le bloc. J'ai vu des bâtiments être construits, des services être déménagés, fusionnés puis séparés de nouveau, des collègues aller et venir et des patients encore plus. Et moi je suis toujours là, car je l'aime ma petite structure familiale. Tout le monde se connait, chacun sait ce qu'il à faire et peut travailler dans des conditions correctes.
Mais ça c'était avant. Avant la crise, avant les sous-sous, avant Me Empathie ! Lors de son arrivée il y a quelques mois, Me Empathie m’a fait une forte impression. Charmante, le sourire aux lèvres, elle semblait tout comprendre de nos préoccupations et ne cessait de répéter qu’elle était là pour nous aider. A obtenir du matériel, du personnel, à se faire entendre auprès des médecins et surtout à améliorer notre organisation car c’est bien connu « Tout est question d’organisation ». Je suis jeune, le changement ne fait pas peur et je l’aime bien moi cette Me Empathie. Mais je sais ce que vous vous dites : cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Et bien non ! Ce n’est que plus tard que j’ai compris qu’en réalité, Me Empathie avait été recrutée pour faire ce qu’on appelle de la restructuration. Effectivement depuis son arrivée, le personnel n’avait jamais été aussi peu nombreux et j’avais l’impression de faire partie du pool d’un CHU si bien que quand je partais de chez moi je ne savais pas bien ou j’allais atterrir ni à quelle sauce j’allais être mangé. On m’encourageait aussi fortement à prendre mes jours de récupération car « chacun se devait de faire un effort ».
Toujours aussi naïve, je retourne alors voir Me Empathie pour lui expliquer que mes conditions de travail sont devenues pitoyables, que le moitié de mes collègues s’envoient un demi lexomil pour dormir et que surtout, surtout, la qualité des soins n’est plus acceptable. Sans parler de l’accompagnement des étudiants devenu complétement inexistant. Je suis soulagée car Me Empathie me comprend. Elle est de notre côté et promet de tout faire pour améliorer la situation. Elle a été infirmière et sait ce que c’est que de travailler sur le terrain. Pourtant les jours passent et rien ne s’améliore. Plusieurs de mes collègues ont encore craqués sous la pression aujourd’hui. Me Empathie fait le tour des services pour rassurer tout le monde car elle a enfin trouvé LA solution à nos problèmes. Il faut tout changer : notre organisation de travail, nos fiches de poste, nos plannings, TOUT. Car on le sait bien « tout est une question d’organisation ».
